Pasteur vient de trouver une sacrée différence entre ces deux acides très
intrigants. Il est impatient de faire connaître sa découverte à l’Académie
des sciences, qui réunit les meilleurs scientifiques. Il sollicite Jean-Baptiste Biot,
qui connaît très bien la polarisation et ces acides. À la demande du physicien,
il reproduit son expérience des deux formes de cristaux devant lui. Convaincu
et enthousiaste, le grand savant présente les travaux de Louis à l’Académie
et fait publier son rapport dans les
Annales de la chimie
. À vingt-cinq ans,
c’est un premier succès.
Louis poursuit ses recherches sur les acides tartriques. À Paris, la Société
de pharmacie lance un concours et promet de décerner un prix au chercheur
qui trouvera un moyen simple de fabriquer de l’acide paratartrique.
Car comme celui-ci provient sans doute d’un défaut de fabrication, on ne sait
pas comment le reproduire. Le traitement du tartre donne toujours de l’acide
tartrique. Pasteur apprend qu’un laboratoire italien à Trieste fournit un acide
qui ressemble beaucoup à du paratartrique. Il part en Italie, visite les ateliers
et analyse le tartre utilisé en se disant qu’il doit être différent. Mais
l’explication n’est pas là : le tartre est le même que celui qui donne de l’acide
tartrique. Il faut chercher ailleurs. À force de questions, notre enquêteur
détecte enfin une petite subtilité : le laboratoire qui transforme le tartre
en acide a modifié quelque chose dans sa façon de procéder, mais il refuse
de dire quoi. Avec une méthode de production différente, il est donc possible
de transformer du tartre normal en acide paratartrique.
De retour au laboratoire de Strasbourg, Pasteur utilise divers moyens chimiques
pour obtenir le même résultat. Au bout de plusieurs jours d’essai, il trouve
la solution : quand on le chauffe pendant cinq à six heures à 170 °C,
le tartrique se métamorphose en paratartrique. Avec cette formule magique,
Louis gagne le prix de 1 500 francs, une belle somme d’argent. À seulement
trente ans, il est fait chevalier de la Légion d’honneur.
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