Cette semaine ce sont Clémentine et Jacques, médiateurs en physique, et Vincent, médiateur en géosciences qui décryptent vos œuvres d’art magnétiques.
Ce thème en a « attiré » plus d'une et d'un … Un grand merci pour vos imaginaires débridés et vos traits de crayons inspirés ! Bonnes découvertes à toutes et tous.

 

 

  • Faire parler la poudre

Merci Akenium pour ce dessin qui est une très bonne introduction à notre thème de la semaine : les aimants. En effet, ce disque gris est un aimant.

On le comprend en voyant la poudre de fer attirée sous le disque. On le comprend aussi en voyant ces étranges lignes courbes qui entourent le disque : les lignes de champ. On connaît l'expression « champ magnétique ». Mais qu'est-ce que les physiciens appellent un champ ?
Le champ, l’une des notions les plus centrales et fondamentales de la physique, est « une propriété de l'espace en un point »... Hein ?! De façon moins abstraite, c'est un outil indispensable pour décrire l'influence d'une « chose » autour d'elle, la façon dont elle interagit avec ce qui l'entoure.
Ici, c'est un champ magnétique qui entoure l'aimant. Cependant, il existe aussi des champs électriques autour des charges électriques, des champs de pesanteur autour des masses et encore plein d'autres champs tous plus exotiques et fascinants les uns que les autres : les champs quantiques, les champs de jauge, le champ de Higgs… Mais ne nous emballons pas.
Ici, les lignes de champ magnétique forment des « boucles » qui relient le pôle Nord au pôle Sud de l'aimant. On retrouve cette forme en saupoudrant de la poudre de fer autour d’un aimant. Peut-être cela vous rappelle-t-il certaines représentations de la Terre, entourée de lignes de champ car oui, la Terre est (heureusement pour nous) entourée d'un champ magnétique… On en reparlera avec les prochains dessins.


  • Attraction-répulsion : tous les mêmes ?

Vous avez sans doute déjà joué avec deux aimants et remarqué que selon le sens dans lequel vous les approchez l’un de l’autre, ils s’attirent (se collent l’un à l’autre) ou se repoussent.

Mais alors ce « plus » et ce « moins » sur le dessin, attirés l'un par l'autre, collés l'un à l'autre, représentent-ils deux aimants ? Par convention, les physiciens réservent cette notation aux charges électriques (charge positive, charge négative). Dans le cas du magnétisme, on parle de pôle Nord et de pôle Sud. Un pôle Nord et un pôle Sud s’attirent, deux pôles Nord ou deux pôles Sud se repoussent.

Ainsi, même s’il est aussi question d’attraction et de répulsion dans le cas de charges électriques, ces phénomènes sont en réalité fondamentalement différents des phénomènes d’attraction et de répulsion magnétiques.
 
Pour les physiciens, l’une des différences les plus intéressantes est que, d’après ce qui a été observé jusqu'à aujourd'hui, il n'existe pas de pôle Nord (ou Sud) seul, alors qu’il existe des charges positives (ou négatives) seules. Un pôle Nord est toujours accompagné d'un pôle Sud. C'est pourquoi on dit d'un aimant qu'il est un dipôle magnétique. L'existence (ou non) de monopôles magnétiques est une question fondamentale de la physique. On cherche à y répondre depuis plus d'un siècle !

 

  • Au pays des boussoles, le champ magnétique est roi

Qu’elles sont mignonnes les petites boussoles de ClocloMono ! Mais auraient-elles perdu le nord ? Celle aux yeux verts semble étrangement attirée par une roche.

Que se passe-t-il ? Le minéral noir aux arêtes acérées rappelle certaines cristallisations d’hématite, un oxyde de fer. Mais puisqu’il attire l’aiguille de la boussole, on penchera plutôt pour un autre oxyde de fer, la magnétite. Ce minéral commun est naturellement aimanté. Il est probablement le premier que les humains aient reconnu pour sa capacité à attirer le fer. C'est lui qui perturbe la boussole aux yeux verts... ce qui semble déclencher la jalousie de celle aux yeux bleus !
Mais pourquoi les boussoles éloignées de tout aimant préfèrent s’orienter toujours dans la même direction, l’axe nord-sud ? C’est parce que la Terre elle-même génère un champ magnétique !
Les lignes bleues et rouges entourant la Terre sur le dessin représentent les lignes de ce champ magnétique. C’est en s’alignant sur ces dernières que les boussoles indiquent le nord.

Pour aller plus loin
L’origine du champ magnétique terrestre, un mystère
Le magnétisme de la Terre est longtemps resté inexpliqué. De nos jours, il demeure obscur à bien des égards. On se doute qu’il trouve son origine dans le noyau externe de la Terre, composé essentiellement de fer liquide. Des mouvements turbulents de ce dernier peuvent générer un champ magnétique (voir le dessin de Claire). Toutefois, certaines caractéristiques demeurent inexpliquées. Comment s'est-il initié ? Pourquoi est-il sujet à des inversions fréquentes ? Les recherches à ce sujet vont bon train.

Un médiateur / un détail
Pôle Nord, pôle Sud ou les deux ?

Par convention, la partie rouge de l’aiguille d’une boussole indique le nord. Mais si la couleur rouge est associée au « nord », pourquoi les lignes de champ magnétique sont-elles rouges au pôle Sud dans le rêve de la boussole de gauche ? Serait-ce une erreur ?  
Pas du tout ! Allons-y pas à pas. L’aiguille d’une boussole est un petit aimant, possédant un pôle Nord et un pôle Sud magnétiques. Le pôle Nord d’un aimant est toujours repoussé par un pôle Nord magnétique et attiré par un pôle Sud. Le pôle Nord (magnétique) d’une boussole, en rouge, sera donc attiré par le pôle Sud du champ magnétique terrestre (lignes de champ bleues sur le dessin)… qui se trouve au nord géographique ! Et inversement, le pôle Sud géographique est un pôle Nord magnétique. Il est donc logique que les lignes de champ magnétiques soient rouges au pôle Sud.


  • Perdre la bou(sso)le

Encore un dessin qui déboussole, merci à Elisa-Joy ! Comme précédemment, un aimant se trouve dans les parages d'une boussole.
 
Son champ magnétique étant beaucoup plus intense que celui de la Terre, il prend le dessus localement. La boussole s’aligne alors sur les lignes du champ magnétique local. Elle n'indique plus forcément le nord.
Une remarque qui a son importance : cela ne veut pas dire que l'aiguille pointe nécessairement vers l'aimant. La direction de l'aiguille dépendra de la forme des lignes de champ là où se situe la boussole. Pour être parfaitement rigoureux, sur le dessin ici présent, vu la forme de l'aimant (en U ou fer à cheval), l'aiguille devrait être perpendiculaire à sa direction actuelle. En effet, les lignes de champ de l'aimant forment des boucles d'un bout du fer à cheval à l'autre, et la boussole se trouve sur le « dos » de l'une de ces boucles !

Pour aller plus loin
De quoi sont faits les aimants artificiels ?

Nous l'avons dit, la magnétite, minéral naturellement aimanté, est un oxyde de fer : elle est composée de fer et d'oxygène. Et les aimants artificiels tels que celui représenté sur ce dessin, de quoi sont-ils constitués ?

Il en existe plusieurs types :
 - la plupart des aimants de réfrigérateur sont en ferrite, un oxyde de fer également. Ils sont reconnaissables à leur couleur gris foncé. Leur champ magnétique est faible, mais ils ont l'avantage de ne pas coûter cher ;
 - les aimants en U ou en forme de barre trouvés souvent dans les écoles sont des aimants AlNiCo : ils sont composés d'un alliage de fer, d'aluminium, de nickel et de cobalt qui permet d'obtenir des formes variées. Le nickel et le cobalt sont, comme le fer, fortement attirés par les aimants (voir les dessins de Salomé et Eliott) ;
 - dans l'industrie, on utilise :
     - des aimants samarium-cobalt, composés de samarium et de cobalt. On en trouve dans certains haut-parleurs ;
     - des aimants au néodyme : ils sont composés d'un alliage de fer, de néodyme et de bore. Ce sont parmi les meilleurs aimants actuellement.

  • Se faire pigeonner

Le dessin d'Agatha nous rappelle que si les êtres humains ont souvent besoin d'une boussole pour connaître la direction du champ magnétique terrestre, certains animaux sont naturellement dotés d'un sens magnétique, aussi appelé « magnétoperception » ou « magnétosensibilité » [1].

Les pigeons sont très étudiés par les chercheurs pour leur sens magnétique. Ils s'orientent et se positionnent dans l'espace notamment grâce à leur capacité à détecter le champ magnétique terrestre. Ils ne sont pas les seuls à être magnétosensibles, loin de là ! Cette aptitude a été observée chez de nombreux insectes, des poissons, voire même des mammifères. Aujourd'hui, la magnétoperception est un vaste sujet de recherche et il reste beaucoup à découvrir concernant l'utilité de cette capacité et ses mécanismes. Il semble que toutes les espèces n'utilisent pas les mêmes mécanismes de détection du champ magnétique terrestre. Un mécanisme envisagé pour certains animaux, dont les pigeons, est basé sur la présence de particules de magnétite dans le haut de leur bec, qui jouerait en quelque sorte le rôle d'une boussole. Cette hypothèse est corroborée par certaines études [2] montrant que si l'on fixe un aimant sur la tête de pigeons, cela perturbe leur capacité à s'orienter. Tout comme le pigeon sur le dessin qui n'a pas remarqué qu'il avait un aimant accroché sur le dos et a l'air complètement perdu !


  • Ah l'amour

Merci à Anna pour ce dessin câlin ! Vous avez probablement déjà entendu les expressions contradictoires « qui se ressemble s'assemble » et « les opposés s'attirent ».

Dans le monde magnétique, c’est clairement la seconde version qui est à l’œuvre : un pôle Nord et un pôle Sud s’attirent et deux pôles identiques se repoussent.
Mais qu’en est-il du côté des relations sociales ?
Une récente étude publiée dans Journal of Personality and Social Psychology suggère qu’en amitié comme en amour, nous tendons à choisir des partenaires qui partagent nos valeurs [3]. La similarité jouerait un rôle surtout dans les premières phases de nos interactions sociales.
Toutefois, si les interactions sociales peuvent être « physiques », il est délicat d’y chercher des lois aussi implacables que celles de la physique !

Un médiateur / un détail
Aimant = amour ?

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le mot « aimant » ne sous-entend pas qu’il « aime » le fer. Ce mot trouverait son origine dans l’ancien grec « adamas », qui signifie « indomptable ». Cela évoque la dureté de la pierre d’aimant. On retrouve aussi cette racine dans le mot « diamant ». Offrir un diamant aiderait-il à « aimanter » son partenaire ?


  • Claire, pas complètement à côté de la plaque

En ces temps de confinement, il est vrai que beaucoup d’entre nous se sont (re)mis à cuisiner... et Claire semble ne pas faire exception !

Mais pourquoi nous dit-elle que sa plaque à induction lui fait réviser « l’électromagnétisme » ? Décomposons ce mot.
D’un côté, il y a « électro », qui nous fait penser à « électricité » et « courant électrique » notamment.
De l’autre, il y a « magnétisme », qui fait penser à « champ magnétique ». L’électromagnétisme est né lorsque l’on a découvert, il y a 200 ans, que tout courant électrique s’accompagne d’un champ magnétique.

Si vous démontiez votre plaque à induction (ne le faites pas !), vous verriez que sous la plaque en verre, il y a une bobine de fil électrique enroulée. Lorsque vous mettez en route la cuisinière, vous établissez un courant électrique alternatif (c’est-à-dire qui varie) dans le fil. Il s’accompagne d’un champ magnétique, qui lui aussi est variable. La variation du champ magnétique engendre dans le fond de la casserole plusieurs phénomènes, dont des courants électriques induits, qui le font chauffer.
C’est l’heure du repas ? Allez réviser votre électromagnétisme vous aussi ! 

Pour aller plus loin
L’électromagnétisme au quotidien

Il n’y a pas qu’avec nos plaques à induction que nous pouvons réviser l’électromagnétisme chez nous. Une lampe à dynamo, que l'on trouve parfois sur les vélos, en est un exemple. En tournant, la roue du vélo entraîne un aimant, qui se trouve à côté d’une bobine de fil électrique. La variation de champ magnétique due au mouvement de l’aimant fait naître un courant électrique dans la bobine et la lampe s’allume ! L’électricité que nous utilisons à la maison est d’ailleurs produite sur ce principe-là : on se sert du vent (les éoliennes), de l’eau d’un fleuve (les barrages) ou de la vapeur d’eau sous pression (les centrales nucléaires par exemple) pour faire tourner un « gros » aimant au voisinage d’une bobine.
Mais ce n’est pas tout. On retrouve l’électromagnétisme dans de nombreux autres objets du quotidien : mixeurs, ventilateurs, haut-parleurs, disques durs, freins de poids lourds entre autres.

        

  • Tout est magnétique

Ces deux dessins de Salomé et Eliott nous plongent dans un monde imaginaire rempli d’aimants qui semblent attirer tous les objets quelles que soient leur taille et leur composition ! Une remarque au passage, dans une voiture on trouve plus d’une dizaine d’aimants.

Mais ce monde est-il si éloigné du nôtre ?
Oui… et non. Si dans notre univers, toute matière n’est pas systématiquement fortement attirée par les aimants, il est cependant vrai qu’aucun matériau n’est insensible à un aimant, plus précisément à un champ magnétique. Oui, vous avez bien lu, ce n’est pas le confinement qui nous monte à la tête…
Nous avons l’habitude d’observer que certains métaux sont fortement attirés par les aimants. Il y en a en réalité très peu. Si l’on s’intéresse aux éléments purs, il y en a principalement trois qui possèdent cette propriété à température ambiante : le fer, le cobalt et le nickel. On dit qu’ils sont ferromagnétiques. Des alliages métalliques, tels que certains aciers, sont aussi ferromagnétiques.


À ce propos, une parenthèse « jeu » nous est offerte par Valentine : sur le dessin ci-contre, saurez-vous retrouver quelle partie des objets violemment attirés par l’aimant est ferromagnétique ? Un indice pour démarrer : la licorne a l’air d’avoir une corne… inhabituelle.

Si les matériaux ferromagnétiques sont fortement attirés par les champs magnétiques, cela ne veut pas dire que les autres matériaux y sont insensibles. Ils réagissent au champ magnétique, mais tellement (tellement, tellement, tellement) faiblement que nous ne nous en rendons pas compte dans les conditions de la vie de tous les jours. Ainsi lorsque nous approchons un aimant d’un morceau de verre ou d’aluminium, nous n’observons aucun effet. Et pourtant…

Il y a grosso modo deux comportements possibles (en dehors du ferromagnétisme).

- Certains matériaux tels que l’aluminium, le tungstène ou l’oxygène sont faiblement attirés par les aimants : ils sont dits paramagnétiques.
- D’autres matériaux comme le carbone, le plomb, l’eau ou le verre sont très faiblement repoussés par les aimants : ils sont diamagnétiques.

Si vous voulez expérimenter le diamagnétisme par vous-même, retrouvez notre collègue Anthony dans l’épisode n° 6 de la série « Les petites découvertes » sur la chaîne YouTube du Palais de la découverte [4].

Pour aller plus loin
Quand le mercure grimpe

Nous l’avons dit, le fer est ferromagnétique. En réalité, pas tout à fait ! Le fer et tous les autres matériaux ferromagnétiques le sont jusqu’à une certaine température, appelée température de Curie. Au-delà, ces matériaux sont paramagnétiques.
La température de Curie est différente pour chaque matériau : pour le fer elle est d’environ 770 °C, pour le cobalt elle vaut environ 1 100 °C et celle du nickel est approximativement de 350 °C. Ainsi dans le noyau externe de la Terre, le fer liquide dont on parlait en début de page n’est pas ferromagnétique car il se trouve à une température beaucoup plus élevée (environ 4 500 à 6 000 °C).
Il existe d’autres matériaux, moins courants, qui sont ferromagnétiques. Certains ont des températures de Curie nettement plus basses. Le gadolinium, par exemple, a une température de Curie d’environ 20 °C. Celle du dysprosium est de ‒180 °C, il faut donc le refroidir pour observer qu’il est fortement attiré par un aimant ! Une jolie expérience à venir voir au Palais de la découverte dès la fin du confinement…


  • Un monde « en-champ-té »

Merci Camil pour ce dessin qui nous permet de revenir sur la notion de champ.

La Terre possède un champ magnétique.
Comme tout objet qui a une masse, la Terre a également ce que l’on appelle un champ gravitationnel.
Le champ magnétique terrestre est très faible, entre 30 et 60 µT (millionième de tesla) ; le tesla est l’unité de mesure de l’intensité d’un champ magnétique.
Il est beaucoup plus faible que le champ magnétique d’un aimant, qui va de quelques milliteslas pour les aimants de réfrigérateur à environ 1 tesla pour les aimants au néodyme industriels, soit approximativement 100 000 fois plus élevé que le champ magnétique terrestre.
En revanche, le champ gravitationnel de la Terre est très élevé, beaucoup plus que celui d’un aimant (qui en a un aussi, du fait de sa masse !) ou même que celui de la Lune !

Pour en savoir plus
Bibliographie / webographie

[1]
Fadel. K., « Magnétoperception, le sens magnétique chez les animaux », Découverte n° 416, mai-juin 2018, p. 24-31.

[2] Keeton W. T. (January 1971). « Magnets interfere with pigeon homing ». Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America. 68 (1): 102–6. Bibcode:1971PNAS...68..102K. doi:10.1073/pnas.68.1.102

[3] Bahns A. J., Crandall C. S., Gillath O., & Preacher K. J.(2016, February 1). « Similarity in relationships as niche construction: Choice, stability and influence within dyads in a free choice environment ». Journal of Personality and Social Psychology. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26828831

[4] Expérience sur le diamagnétisme de l’eau : www.youtube.com/watch

Ressources pour aller plus loin dans la découverte des aimants et du magnétisme :

(nouvelle fenêtre)