Les Étincelles du Palais de la découverte
La médiation scientifique
Découvrez le futur Palais
Bonjour à tous et à toutes. Cette semaine, nous vous avons demandé ce que représentait pour vous la chimie. Un grand merci à celles et ceux qui nous ont apporté leurs visions riches, variées et colorées sur ce sujet. Nous sommes Sokunthea, Véronique et Sarah, respectivement cheffe d’unité et médiatrices de l’unité Chimie du Palais de la découverte, et nous espérons que vous aurez autant de plaisir à découvrir ces dessins que nous en avons eu à les commenter !
La chimie, c’est avant tout la science qui a pour objet l’étude de la matière et de ses transformations, ce qui n’a pas échappé à Éléonore. Son dessin est très riche, la chimie l’a beaucoup inspirée. On y observe de nombreux exemples de transformation de la matière.La matière est constituée d’atomes qui s’assemblent pour former des molécules. L’eau, de formule chimique H2O, est illustrée par trois boules (symbolisant les atomes d’hydrogène H pour les deux petites et l’atome d’oxygène O pour la plus grande). La matière peut se présenter sous différents états. Ainsi, Éléonore a représenté les molécules d’eau dans trois états de la matière : solide, liquide et gazeux. L’état gazeux est le plus désordonné des trois, alors qu’à l’état solide les molécules suivent une structure régulière et sont plus proches les unes des autres.Il y a cependant une exception dans le cas de l’eau : l’état solide (glaçon) est particulier, du fait de la disposition des molécules d’eau en tétraèdre, autrement dit elles se placent au sommet d’une pyramide (avec l’atome d’oxygène au centre). Il y a beaucoup d’espace entre elles à cause d’un type de liaison spécifique appelé liaison hydrogène. De ce fait, l’eau à l’état solide occupe un plus grand volume que l’eau sous forme liquide.On peut remarquer un détail très important: la présence de flèches. Effectivement, une transformation met en jeu des molécules (réactifs) qui vont réagir ensemble pour donner d’autres molécules (produits) à la fin. Au début et à la fin de la réaction, les mêmes atomes sont présents, mais ils sont agencés différemment !C’est ce que nous pourrions observer dans notre cuisine. Lorsque nous fabriquons du pain nous incorporons différentes matières comme la farine, l’eau, la levure et du sel. Puis dans le four, à cause de la chaleur, le pain lève et brunit petit à petit sous l’effet de différentes réactions chimiques comme les réactions de Maillard, responsables de la coloration du pain et de la bonne odeur qui s’échappe alors du four...De la même manière, une bougie allumée est aussi le siège d’une transformation chimique appelée combustion (1). Notre jeune chimiste (la jeune fille aux cheveux bleus ?) a dessiné le dioxygène (le comburant), du charbon (le combustible) et une étincelle (l’énergie d’activation). Les bulles bleues autour de la jeune fille, qui représentent peut-être le dioxygène, montrent que même lorsque l’on respire, des transformations chimiques sont en jeu au niveau de notre organisme.Éléonore a bien saisi l’importance de la verrerie dans le quotidien du chimiste. On voit dans le montage en bleu un tube à essai dans une éprouvette, avec des tubes coudés (le travail du souffleur de verre est essentiel car il permet de réaliser un matériel sur mesure) plongés dans un erlenmeyer. Dans l’expérience d’Éléonore, on observe une poudre au fond d’une fiole. Mise au contact du liquide vert, cela provoque un fort dégagement gazeux, à l’origine d’une mousse abondante qui recouvre toute la fiole. Peut-être est-ce l’expérience de notre fameux dentifrice de l’éléphant ? Ou une réaction entre le bicarbonate de sodium et du vinaigre coloré avec du vert en présence de liquide vaisselle...Finalement, les transformations chimiques se produisent tout autour de nous. Mais elles se produisent aussi dans notre corps, qui est le siège de réactions biochimiques complexes, comme le souligne le dessin suivant de Cloé.
En effet, le dessin de Cloé est très intéressant. En mettant des dessins de molécules un peu partout ‒ dans le papillon, la fleur, la cellule, l’air… ‒, cela suggère que la chimie est bien présente dans le vivant. Et c’est le cas ! Les molécules, qui composent la matière, se retrouvent aussi bien dans les plantes, les bactéries, les animaux que l’air, la roche… Partout ! Cloé l’illustre parfaitement avec quelques exemples de molécules présentes au sein des êtres vivants. Ainsi une aile de papillon contient notamment de la chitine, dont Cloé a symbolisé le constituant principal, le N-acétylglucosamide, sur l’aile du bas.Tout en haut, au milieu de son dessin, elle a représenté deux nucléotides reliés par des liaisons hydrogène. Grâce à elles, on obtient un système supramoléculaire qui est à la base du monde vivant : l’ADN (acide désoxyribonucléique). D’ailleurs, le chimiste s’inspire du vivant afin de créer à son tour des molécules qui vont s’auto-assembler grâce à ces liaisons hydrogène, pour aboutir à des matériaux innovants.Juste en dessous, le chimiste averti reconnaît, entre la cellule et le papillon, une molécule d’isoprène dessinée en vert. Les dérivés de l’isoprène constituent la famille des isoprénoïdes, largement retrouvés dans la nature. Le caoutchouc naturel en est par exemple constitué. À nouveau, les chimistes se sont inspirés de ce qu’ils ont observé autour d’eux pour créer des matières qui n’existent à priori pas dans la nature, comme le caoutchouc synthétique et toute une série de nouvelles matières !Mais, on l’a déjà évoqué avec le dessin d’Éléonore, la chimie est loin d’être une science statique ! Au contraire, elle s’intéresse de près aux transformations de la matière, notamment celles qui peuvent se dérouler au sein des êtres vivants. On parle alors de biochimie : citons par exemple le processus de digestion chez les animaux, ou de photosynthèse chez les plantes.À l’intérieur de la cellule, Cloé met en avant des molécules différentes séparées par des flèches. Il s’agit ici d’une représentation dite topologique, distincte de celle compacte choisie par Éléonore. La molécule de départ est un acide aminé, la phénylalanine, qui subit une succession de réactions biochimiques en présence d’enzymes, symbolisées par les petits camemberts, pour aboutir au coumaroyl-coenzyme A, une molécule qui intervient dans la synthèse des flavonoïdes. Ces derniers sont des pigments à l’origine de la couleur des végétaux, comme ce lys qui est représenté sur le dessin. Les couleurs permettent également d’attirer des insectes pollinisateurs. Cloé n’est pas la seule à avoir associé insectes et chimie, puisque Agatha a dédié entièrement son dessin au grand paon de nuit !
Dans son dessin regorgeant de couleurs et d’humour, Agatha nous présente la femelle grand paon de nuit en pleine conversation avec une horde de prétendants. Ce qui est intéressant ici, c’est qu’Agatha a choisi de mettre en avant la chimie comme… moyen de communication. Eh oui, rien que ça !Comme le mentionne notre dessinatrice, l’entomologiste Jean-Henri Fabre note dès 1900 dans ses Souvenirs entomologiques (Septième série) que la femelle grand paon semble capable de communiquer avec les mâles de son espèce, non par des sons ou des signaux visuels, mais par ce qu’il suppose être des « émanations odorantes ». Émanations que, presque 60 ans plus tard, le biochimiste Peter Karlson et l’entomologiste Martin Lüscher baptiseront phéromones.La particularité des phéromones réside dans le fait que ce sont des molécules capables de déclencher une réaction chez les individus d’une même espèce. Il peut s’agir par exemple de séduire, guider ou même d’alerter ses congénères d’un danger. Si l’existence de telles molécules est avérée chez de nombreux insectes, elle est très controversée en ce qui concerne l’être humain. Il existe cependant à l’intérieur du corps humain d’autres familles de molécules capables de transmettre des messages. Par exemple, les hormones permettent la communication entre divers organes du corps humains. Au sein même du cerveau, les neurotransmetteurs sont essentiels au bon fonctionnement des neurones. La différence avec les phéromones réside dans le fait que ces molécules ne permettent pas de dialoguer avec d’autres humains.
Comme Cloé et Agatha, Calire a choisi d’évoquer la chimie du vivant, en l’occurrence la biologie végétale, dans un superbe dessin à la fois abstrait, technique et poétique. Elle a représenté une molécule de chlorophylle au cœur d’un champ de fleurs. J’aime beaucoup ce dessin, parce qu’il permet d’évoquer la notion d’échelle, essentielle en chimie. Ainsi, en fond, on voit des plantes dont la couleur verte est en partie due à la chlorophylle qu’elles contiennent. Cette chlorophylle n’est pas visible à l’œil nu, mais elle est présente dans les cellules de la plante et responsable de l’une de ses caractéristiques physiques : sa couleur. Calire a également mis en scène une molécule de chlorophylle, dont la taille réelle n’atteint que quelques nanomètres, c’est-à-dire environ 100 000 fois plus petite que l’épaisseur d’un cheveu ! Mais on peut aller encore plus loin. La molécule elle-même est constituée d’atomes (symbolisés par les boules colorées sur le dessin de Calire), qui contiennent à leur tour un noyau et des électrons, noyau composé de protons et de neutrons… Oups, je m’égare ! L’idée ici est de comprendre que lorsqu’il s’agit de représenter et de modéliser la matière, il est essentiel de bien choisir l’échelle d’intérêt en fonction de ce que l’on veut étudier.
S’il est relativement aisé de représenter la matière à l’échelle d’une plante, les choses se compliquent nettement lorsque l’on se plonge dans le monde de l’infiniment petit. Il a donc été nécessaire d’imaginer des modèles et des représentations simples pour les molécules et les atomes. Ainsi lorsque l’on dessine une molécule, il est assez courant de symboliser un atome par une boule et une liaison entre deux atomes par un bâtonnet. D’où le nom, fort original, de ce type de modèle : la représentation… boules-bâtonnets ! La simplicité de ce modèle le rend très utile lorsqu’il s’agit d’illustrer la position des atomes dans une molécule donnée. En revanche, il ne permet pas forcément d’expliquer pourquoi les atomes s’organisent de cette manière particulière. Pour comprendre les interactions entre atomes, il est alors nécessaire de faire appel à des modèles plus complexes.Il est par exemple possible d’établir un lien entre les positions possibles des électrons d’un atome donné dans une molécule et les propriétés de cet atome. Comment interagit-il avec des voisins ? Est-il susceptible de se lier à d’autres atomes ? De se séparer de la molécule ? On est bien ici au cœur même de la chimie, puisque ce sont ces questions qui vont déterminer la manière dont les atomes s’organisent les uns par rapport aux autres. Ce sont ces dispositions possibles d’électrons, aussi appelées orbitales moléculaires, que Calire a représenté sur certains atomes de sa molécule de chlorophylle. J’aime beaucoup l’idée de faire de ce concept assez théorique et plutôt complexe quelque chose d’aussi poétique qu’une envolée de papillons !
Guillaume nous propose également un très beau ‒ et très riche ‒ dessin, avec lequel il nous déclare son amour pour la chimie ! Il a choisi de mettre en avant le mot « chimie » lui-même. J’aime beaucoup cette idée parce que le mot et son étymologie nous apportent des informations très intéressantes sur ce qu’est la chimie en tant que discipline. Ou devrais-je dire ses possibles étymologies, puisque plusieurs origines sont souvent évoquées. Le mot pourrait provenir du grec χημεία, khêmeia, qui désigne « l’art de transformer les métaux ». Le terme χυμεία, chymeia, qui signifie « mélange de sucs », est cité aussi comme ayant une influence majeure sur la forme actuelle du mot « chimie ». On retrouve bien ici deux aspects incontournables ‒ transformation et mélange de matières ‒ de la chimie telle qu’elle est conçue aujourd’hui. D’ailleurs, l’évolution du mot lui-même témoigne de celle de la discipline. L’alchimie du Moyen Âge avait pour but d’étudier les matières et leurs transformations avec une dimension mystique et spirituelle très marquée. À partir de la fin du XVIIIe siècle, avec des travaux comme ceux de l’incontournable Lavoisier, la discipline commence à se rationaliser et le mot « chimie » se répand. Avec cette rationalisation apparaissent différentes conventions et représentations qui sont, aujourd’hui encore, des outils essentiels pour comprendre ce que l’on veut décrire et se comprendre quand on parle de chimie.L’exemple le plus emblématique est probablement le tableau périodique des éléments (2), auquel Guillaume fait référence en choisissant d’utiliser le symbole chimique du carbone pour le C de « chimie ». La force de cette notation est sa dimension internationale. Tout chimiste, en voyant ce C, comprendra qu’il fait référence à l’élément carbone, peu importe sa nationalité ! Mais plus qu’une simple notation commune internationale, le tableau périodique est aussi une mine d’informations sur l’élément en question. Dans la version retenue par Guillaume, on retrouve par exemple le numéro atomique (en haut à gauche) et la masse atomique (en haut à droite).S’il est essentiel de pouvoir décrire son objet d’étude avec un vocabulaire commun, il est aussi très important de pouvoir le symboliser. Ici encore, Guillaume l’illustre très bien en utilisant une représentation de la molécule d’éthylène pour former la lettre H. Comme Calire, il a opté pour la représentation boules-bâtonnets avec les atomes de carbone en noir et ceux d’hydrogène en blanc.Le fait de disposer de notations et représentations communes permet alors de se comprendre lorsque l’on tente d’analyser et de caractériser la matière. Avec les quatre dernières lettres du mot « chimie », Guillaume nous présente deux techniques de caractérisation. Le premier I illustre le résultat d’une électrophorèse, une technique qui permet de séparer les molécules en fonction de leur masse molaire. Masse molaire qui se mesure en gramme par mole (g · mol‒1) et dont le symbole est… un M ! Le second I représente un tube à essai comprenant une solution colorée, c’est-à-dire un liquide contenant un certain nombre de molécules responsables de cette coloration. Et le choix du E de « chimie » nous met sur la piste d’une technique permettant de caractériser cette solution. Le ε est en effet lui aussi un symbole. Il fait référence à l’absorptivité molaire, c’est-à-dire la capacité de la solution à absorber la lumière. En faisant passer un faisceau lumineux à travers notre tube à essai, nous pourrions déduire des informations sur la solution qu’il contient, par exemple la concentration de la molécule à l’origine de la coloration. Eh oui, la lumière peut être l’un des outils d’analyse au service de la chimie !En un seul mot, Guillaume nous parle donc à la fois des outils théoriques qui permettent de nommer et de représenter la matière, et des techniques qui permettent de la caractériser ! Par conséquent, la chimie désigne tout à la fois l’observation et l’étude de la matière, de ses constituants et de ses transformations, la maîtrise et l’utilisation de tels procédés, ainsi que l’ensemble des techniques de caractérisation, de modélisation et d’analyse qui s’y rapportent. De là à affirmer qu’il n’y a pas une chimie mais des chimies, il n’y a qu’un pas !