Les Étincelles du Palais de la découverte
La médiation scientifique
Découvrez le futur Palais
Un grand merci à tous ceux qui ont joué le jeu de ce défi dessiné ! Je me présente, je suis Claire, médiatrice en chimie au Palais de la découverte. Pour cette première semaine, c’est moi qui ai proposé le thème « La chimie des odeurs ». J’ai trouvé tous les dessins que vous nous avez postés très riches. Avec plein d’éléments sur lesquels rebondir.
Il est riche en matières premières olfactives : la vanille, les fleurs, les épices… Mais ce dessin est également riche en molécules odorantes ! Eh oui, nous sommes constamment entourés d’« odeurs ». Et tout ce qui nous entoure dans la nature est mélange. Comprenez : chaque matière odorante naturelle autour de vous ne contient pas une, mais DES odeurs. En chimie, pour être plus rigoureux, on parlera de molécules odorantes. Pour rebondir sur ce dessin, le parfum de la gousse de vanille est constitué d’environ 150 molécules odorantes, ou « odeurs », différentes, qui toutes ensemble forment ce bouquet « vanille » que certains aiment tant. Pour aller plus loin Le bouquet fleuri de la rose est constitué quant à lui de plusieurs centaines de molécules odorantes. Disons entre 350 et 450 molécules différentes. Vous donner un chiffre plus précis ? Difficile, car chaque mélange est unique ! Avez-vous déjà humé un bouquet de roses, en vous attardant sur les fleurs une par une ? Les bouquets fleuris de chaque rose sont suffisamment proches les uns des autres pour évoquer systématiquement la rose. Pourtant, chaque fleur libère un mélange qui diffère légèrement de celui de sa voisine, nous procurant cette sensation de nuance entre chaque rose humée. Un médiateur/un détailJ’ai beaucoup aimé voir la mer en haut du dessin. Eh oui, en cette période de confinement et de printemps qui commence, j’avoue que le parfum iodé de la mer me manque tout particulièrement. Savez-vous que les chimistes ont su créer une molécule de synthèse (dite artificielle quand cette molécule ne se trouve pas dans la nature) dans leur laboratoire, évoquant cette sensation de «mouillé» ? Nommée calone, cette molécule artificielle suggère une ambiance marine pour certaines personnes et des fruits d'eau, comme la pastèque, pour d'autres.
Un dessin magnifique qui réjouit mon côté chimiste ! Que de molécules ! Cloé a représenté au centre de son aquarelle, reposant sur un motif de gousse et fleur de vanille, la molécule de vanilline. C’est la molécule odorante majoritaire et caractéristique du mélange olfactif de la gousse de vanille. Aujourd’hui, la vanilline est également beaucoup reproduite en laboratoire. On parle dans ce cas de molécule de synthèse identique au naturel. Et si les deux premiers dessins font apparaître de la vanilline, ce n’est pas une coïncidence… Très prisée, la vanilline de synthèse est la molécule odorante la plus synthétisée en laboratoire à travers le monde. Pour aller plus loinIl existe plusieurs voies de synthèse distinctes pour recréer la molécule de vanilline en laboratoire, à faible coût, ce qui représente un gros avantage économique. On peut partir de différentes matières premières : le gaïacol par exemple, une molécule issue de certains types de bois. Mais aussi l’eugénol, une autre molécule odorante, extraite quant à elle du clou de girofle. Ou bien encore la lignine, prélevée dans les déchets de l’industrie du papier, ou de manière plus anecdotique… dans la bouse de vache ! Une autre voie de synthèse un peu à part repose sur les résidus sucriers de la betterave. La décomposition d’un acide présent dans ces derniers permet d’aboutir à un mélange riche en vanilline. Ce processus de décomposition se produisant naturellement via un champignon, cette voie d’obtention est qualifiée de « biochimique ».Un médiateur/un détailCloé a jonglé avec deux types de représentation moléculaire, utilisés pour décrire la nature et la structure des molécules. Pour la molécule centrale de vanilline, elle a employé la représentation dite « en boules et bâtons ». Chaque boule de couleur correspond à un atome (blanc : hydrogène, rouge : oxygène…) et les bâtons figurent les liaisons chimiques reliant ces atomes. Pour les autres molécules du dessin, Cloé a utilisé la formule topologique, une manière simplifiée et rapide de représenter la structure d’une molécule… plutôt réservée à un public d’initiés.
Encore un dessin magnifique et riche en contenus, qui nous ramène du côté de la Nature, avec plusieurs végétaux et animaux illustrés. Effectivement, même si nous en profitons, comme la jeune fille au centre, nous autres humains ne sommes pas les seuls à être sensibles à de nombreuses odeurs présentes dans la nature. Des plantes ou des animaux diffusent des molécules odorantes, que nous percevons comme agréables ou non, pouvant parfois jouer un rôle bien précis pour l’organisme émetteur : pour la reproduction, mais également comme mécanisme de défense, ou encore afin de communiquer.
Pour aller plus loinOn trouve à gauche du dessin une orchidée abeille, ou Ophrys apifera, reconnaissable à son très beau labelle ressemblant à une abeille… et à l’adorable butineuse énamourée à son côté ! Cette orchidée va en effet duper l’abeille mâle en émettant des molécules odorantes semblables à celles émises par l’abeille femelle pour être pollinisée. Dans un autre registre, la feuille de tomate, en haut à droite, utilise l’émission de molécules volatiles comme mécanisme de défense. Lorsqu’elle est soumise à un stress, par exemple si elle est grignotée par une chenille (et quel stress !), elle émet une molécule, le jasmonate de méthyle. Cette molécule odorante, également présente dans le jasmin, rend la feuille bien moins appétissante pour la chenille, au point que cette dernière peut se tourner vers d’autres mets plus juteux comme… d’autres chenilles ! (La plante poussant au cannibalisme, vous en rêviez ? La Nature l’a fait !) Sans défense, les plantes ? Que nenni. Et non contente de se défendre elle-même, en émettant cette molécule, la feuille de tomate va de plus permettre aux autres plantes alentour de détecter cette molécule. Ces plantes vont alors créer à leur tour leurs propres défenses, au cas où elles seraient attaquées. Solidaire, le monde végétal !
Un médiateur/un détailJe suis particulièrement ravie de trouver sur la droite du dessin une rafflésie, plante parasite dont la fleur rouge est connue pour être la plus grosse du monde, pouvant atteindre un mètre de diamètre. Moins classique (et ragoûtante penseront certains) que de nombreuses fleurs pollinisées par des abeilles ou des papillons, la rafflésie joue la carte de l’originalité et est pollinisée par des… mouches ! Pour cela pas de secret, cette fleur émet un doux parfum de… viande avariée.
Notez le détail de la flèche allant du nez vers le cerveau… et la petite ampoule qui s’allume. Bravo, tout y est !
On retrouve dans le dessin cette notion de déplacement de l’odeur de la matière première jusqu’au nez. C’est vrai. Pas exactement telle une onde comme pourrait le suggérer le dessin d’Antoine, mais oui, les molécules odorantes, petites et légères, s’échappent de la matière première, plus précisément du zeste, (ici un citron, bien coupé pour une meilleure propagation) et se dispersent dans l’air. C’est l’air enrichi de ces « odeurs » qui entre par notre nez. Notre cerveau recevra par la suite un signal électrique, qui nous permet d’identifier l’odeur : miam, du citron !
Pour aller plus loinEn réponse à vos dessins, voici le mien !
Ce que l’on appelle communément les « odeurs » sont en réalité des molécules légères et volatiles, qui vont facilement se disperser dans l’air, air que nous allons respirer par nos narines. Ces molécules odorantes vont ensuite remonter dans nos fosses nasales jusqu’à atteindre un tapis de cellules encadré en rouge sur mon dessin, l’épithélium olfactif, siège de la détection des molécules odorantes. Les « filaments » noirs sont en réalité des cils sensoriels qui constituent l’extrémité d’un neurone olfactif. Ces cils sensoriels comportent des récepteurs olfactifs. Chaque neurone olfactif est porteur d’un seul type de récepteurs olfactifs. Des molécules odorantes viennent se lier aux récepteurs olfactifs et… tilt ! Cela envoie un message dans le neurone olfactif, puis dans le bulbe olfactif. Enfin, un message arrivera dans d’autres zones du cerveau, où il sera finalement interprété. C’est à ce moment-là que l’on se dit : « Tiens, ça sent le citron ! »Un médiateur/un détailUne anecdote intéressante que m’évoque ce dessin : la couleur jaune. Le citron étant jaune, la diffusion de l’odeur a été représentée en « jaune ». Il est vrai que nous sommes très influencés par notre sens de la vue. Quand nous sentons, nos autres sens sont aussi en éveil. Il sera bien plus facile de reconnaître l’odeur d’un citron si l’on nous donne en parallèle un visuel jaune. Mais si l’on nous fait sentir une odeur de fraise avec du jaune… c’est le piège quasi assuré ! Nous avons en effet tendance à nous laisser dominer par notre vue. Même si cela nous évoque quelque chose de fruité, nous serons enclins à penser à d’autres fruits que la fraise, comme le… citron !
S’il paraît simple à première vue, le dessin de Raphaëlle aborde en réalité un point extrêmement intéressant au niveau de l’odorat : existe-t-il des bonnes et mauvaises odeurs ? La réponse est non ! Il n’existe pas de molécules odorantes qui mettent tout le monde d’accord. La perception agréable ou désagréable que nous avons d’une odeur est personnelle et dépend de nombreux facteurs, tels que la culture ou l’environnement. Par exemple, une même odeur peut être perçue comme agréable si elle est sentie dans un endroit propre et comme désagréable si elle sentie dans un endroit sale... Si dans le quotidien certaines matières odorantes paraissent plaisantes ou déplaisantes, rappelez-vous qu’elles sont souvent constituées d’un mélange de plusieurs molécules odorantes différentes. Qui, prises séparément, ne vous laisseront pas forcément la même impression olfactive. Sur le dessin sont représentées des matières fécales et une fleur. Il existe des molécules odorantes appartenant à la famille des « indoles » qui, de façon anecdotique, sont présentes dans le bouquet olfactif de nos matières fécales et dans celui… de fleurs (jasmins et narcisses) ! Pour aller plus loinPas encore convaincu ? Prenons un autre exemple, celui de la civette. La civette est un mammifère qui produit de la civettone, une molécule odorante sécrétée par les glandes anales de l’animal. Cette molécule aujourd’hui recréée en laboratoire, lorsqu’elle est seule et concentrée, possède une odeur forte évoquant plutôt des excréments. Une fois diluée, elle peut rappeler davantage une odeur fleurie. Elle peut être alors utilisée dans des parfums, tel N° 5 de Chanel, mais également dans des cigares. Comme quoi… Le caractère hédonique d’une molécule odorante dépend donc du mélange dans lequel elle se trouve, de sa concentration, ainsi que de facteurs culturels et environnementaux, comme évoqués plus haut. Un médiateur/un détailCette charmante crotte, dont on dit souvent qu’elle « ne sent pas la rose », qu’en est-il ? Encore une fois… on ne peut pas dire que nos étrons ne sentent pas bon, mais on dira plutôt que l’on n’aime pas. Et chacun son opinion sur le sujet ! La perception olfactive est davantage acquise qu’innée. Ainsi, elle dépend de notre vécu, de nos souvenirs, de notre culture… et de notre éducation, parentale et sociétale. Nous n’apprécions pas le bouquet olfactif des matières fécales notamment car on nous l’a APPRIS. Quand vous sentez une odeur, la nommer, la décrire et l’appréciation que vous en avez sont des notions que votre entourage vous a enseignées. Revenons pour terminer sur cette histoire de crotte… qui ne sent pas bon ? En ce qui me concerne, malgré ma très bonne éducation (je remercie mes parents), il y a une odeur de matière fécale que j’apprécie néanmoins : le crottin. En effet, mon éducation et mon vécu m’ont appris que le cheval… c’est génial !